ma carte d'adhérent !
En 1971, j'étais encore jésuite; mon supérieur m’a envoyé à la
mission ouvrière de Longueau, banlieue « rouge » à l’époque d’Amiens.
J’ai trouvé du travail, comme manutentionnaire au rayon « vins » dans
l’hypermarché naissant de l’époque, le Delta. Et j’ai créé (je l’ai vraiment
créé tout seul au démarrage) une section
syndicale, car je pensais qu’il fallait que les employés soient représentés. Je
n’avais pas d’apriori sur le type de syndicat : la tradition à Amiens
était plutôt la CGT. J’ai donc monté avec la bourse du travail locale une
cellule dans notre entreprise : j’ai demandé à un copain d’être le
représentant syndical, je voulais rester, après, sur le côté et laisser agir
les « camarades ».
Dans notre entreprise il y avait quelques points que nous
voulions améliorer, essentiellement sur l’organisation des horaires …. Nous
avons donc porté nos « revendications », (je préfère le mot demandes
et suggestions et j’élimine le mot de « justes »
revendications ! ) à la direction, Monsieur Tastot à l’époque.
J’appréciais cet homme qui connaissait ma situation. Il n’a pas donné suite à
nos demandes et nous lui avons donc annoncé que nous organiserions une grève
pour appuyer nos demandes. Nous avons décidé un moment de grève qui
pénaliserait le moins l’entreprise : un jeudi matin, plage d’affluence
minimum. Notre directeur n’y croyait pas. Le jeudi matin choisi, 80% du
personnel était sur le parking. Le directeur m’a appelé et m’a emmené dans une
brasserie au centre de la ville d’Amiens. Nous avons bu une bière en négociant: nous
avons quasiment tout obtenu. Je suis donc revenu voir le délégué pour lui dire
ce que nous avions obtenu, et c’est lui qui a annoncé le tout aux employés
toujours présents sur le parking. Nous avons repris le travail.
Alors j’ai fait l’expérience de la « dictature »
de la CGT. Avec notre délégué, nous avons téléphoné à la centrale CGT. Fiers de
notre réussite et persuadés que nous allions être félicités! Nous avons été
agressés et « engueulés » : nous n’aurions jamais du reprendre
le travail, il fallait pour « l’image et le prestige » (sic) de la CGT montrer la détermination des
travailleurs et la force de la CGT. Sur le champ, j’ai été viré et exclu du
syndicat ! Certes cela s’est passé
il y a 40 ans, en tout cas alors le respect des points de vue différents
n’était pas le point fort du syndicalisme, ni du patronat d’ailleurs. 2 ans
après, je me ferai virer aussi de la CFDT, car je n’étais pas d’accord sur
l’opportunité d’une grève. Le délégué
syndical m’empêchera d’entrer dans la salle de réunion, pour l’assemblée
générale, me disant que comme je n’étais pas d’accord avec eux, je n’avais rien
à faire à la réunion. Vive la démocratie dans les syndicats. C'était en 1971, bien
sûr !
Pourquoi, en France particulièrement, faut-il toujours en arriver
à des épreuves de force, à des affrontements ? Cela marquera la suite de
mon aventure de vie, car quand je travaillerai pendant 40 ans comme formateur
sur les « relations dans l’entreprise » je n’aurais de cesse de faire
en sorte de montrer qu’un problème n’est jamais conflictuel à condition de
s’écouter, de le poser sur la table et de ne pas s’en saisir pour prouver à
l’autre que c’est un « con » !
Un problème n’est jamais agressif c’est la façon dont on le gère, notre
immaturité relationnelle.
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